Camille Pageard

Les digressions critiques de David Antin

«[N]ous avons tendance à sous-estimer la nature insaisissable du langage entre les mains des artistes et des critiques», écrit David Antin dans son texte de 2005 sur Mark Rothko1. Sans doute est-ce par une telle déclaration que l’on pourra commencer afin de saisir un des enjeux essentiels de l’ensemble des textes critiques de David Antin, celui d’un va-et-vient constant entre des questions littéraires et artistiques, linguistiques et esthétiques, performatives et visuelles. Si les textes rassemblés dans ce volume au sein de la section consacrée à l’art portent sur des questions plastiques, ils finissent toujours par faire émerger à un moment ou un autre les intérêts linguistiques du poète. De même, nombre de textes de la partie consacrée à la littérature intègrent des questions plastiques ou liées à un champ élargi de l’écriture artistique. Antin étant poète avant d’être critique, cela n’a rien de surprenant, même si la prédominance d’une activité sur l’autre demeure toujours une question chez l’auteur. La «nature insaisissable» du langage d’Antin semble en effet bien plus complexe que ce simple constat. S’y ajoute une concordance biographique que tout lecteur attentif ne manquera pas de noter: au moment où l’œuvre du poète se dirige vers ce qu’il nommera les poèmes parlés (talk poems) au début des années 1970, il écrit aussi pour différents magazines comme Kulchur, Art and Literature, Art News, Artforum, Arts Magazine, Art in America et Studio International.

«Signature» poétique de David Antin, les poèmes parlés consistent à improviser des discours qui cherchent à résoudre une question posée par le contexte de l’invitation et le moment de sa performance. Trouvant leur source dans un compagnonnage assidu avec les œuvres d’Homère, Socrate, John Dewey ou Ludwig Wittgenstein, il s’agit, comme le rappelle Marjorie Perloff, de textes à la fois poétiques et théoriques dont le but n’est pas tant la résolution de questions que l’expérience de la recherche d’une hypothétique résolution2. Ils sont composés d’empilements d’histoires et de développements digressifs enregistrés sur bande lors de leur performance, puis transcrits dans une notation propre à l’auteur, sans majuscule et avec une ponctuation réduite au minimum, laissant des espaces blancs prendre en charge le rythme du discours parlé.

Si les genres des textes poétiques et des textes de critique artistique et littéraire semblent de prime abord s’adresser à des publics spécifiques, ceux de l’art ou de la poésie, Antin cherche constamment à se positionner à leur frontière, parlant de langage lorsqu’il parle d’art, ou d’art lorsqu’il parle de langage. Le premier texte de ce recueil porte par exemple sur Andy Warhol et s’ouvre par une citation de Wittgenstein, «une proposition est une image de la réalité», avant de poursuivre en offrant l’alternative picturale selon laquelle «une image est une proposition de la réalité». Plaçant son étude de l’œuvre de l’artiste pop sous le signe d'une interrogation wittgensteinienne sur le langage et les images, ce type de renversement fait presque office de programme pour l’ensemble des textes critiques de l’auteur. Au fur et à mesure des lectures croisées, il devient difficile de distinguer un champ de l’autre tant les sujets, les anecdotes, les souvenirs, les sources et les exemples invoqués par Antin s’entrecroisent entre les différents recueils de poèmes parlés que sont parler aux frontières (1976), accorder (1984), ce qu’être d’avant-garde veut dire (1993), je n’ai jamais su quelle heure il était (2005) et john cage sans cage (2005) et les articles de critique artistique et littéraire qu’Antin publie à partir de 1965. Comme l’écrit Charles Bernstein, les poèmes et les essais sont parvenus à une «proche proximité»3, biographique d’abord, mais aussi critique et problématique, et surtout, de par la méthode même de discussion des objets.

Nixon et Homère

Certains sujets ou certaines figures naviguent ainsi d’un espace à l’autre et permettent de préciser le fondement de l’attitude performative et critique de l’auteur. C’est le cas par exemple de la figure de Nixon et de sa «postmodernité». Dans parler aux frontières, au coeur du poème parlé «la sociologie de l’art», Antin développe longuement l’idée de littéralité qui, par un jeu de phonème, détourne l’opposition d’Eric Havelock entre oralité et alphabétisation (literacy)4. Cette «littéralité» étant le modèle qui fonderait selon le poète la production artistique et artisanale occidentale, c’est-à-dire une imitation «littérale» de quelque modèle idéal, il s’attache à la mettre en parallèle avec les réalisations de potières nigérianes en fonction de la bonne manière de faire, et non en fonction de la manière juste qui serait en adéquation avec un modèle. À cette comparaison, aux côtés d’une analyse de la prise de parole chez Homère, il associe l’affaire du Watergate et ses différentes occurrences télévisuelles, les auditions du Sénat américain et les interventions de Richard Nixon sur les chaînes nationales. Chacune a selon lui altéré l’idée d’honnêteté ou, en tout cas, son lien avec la parole publique. Si l’accumulation d’exemples disparates est caractéristique de la pensée d’Antin, l’irruption de cette figure de l’histoire politique américaine au sein d’une tentative de questionnement d’une «sociologie de l’art [‹primitif›]» peut paraître étonnante. Mais lorsqu’on lit dans «L’esprit nomade de Robert Morris», contribution d’Antin au catalogue de l’exposition de l’artiste au Guggenheim en 1994, qu’il est possible d'«affirmer sans trop exagérer que Richard Nixon a donné naissance au postmodernisme américain»5, le président déchu devient une sorte de fil conducteur qui nous permet aisément de passer des textes critiques sur l’art à la pratique poétique de l’auteur, mais surtout d’en éclairer l’importance égale pour ces deux pans de son œuvre.

On remarquera d’abord que l’année 1974, date de la démission de Nixon, se situe au beau milieu d’une période essentielle pour son œuvre poétique. Antin (1933-2016) est né et a grandi à New York. Il y a suivi ses études, publié ses premiers livres et réalisé ses premières performances poétiques dans une communauté artistique qui comprenait aussi bien Vito Acconci, Allan Kaprow et Allan D'Arcangelo que certains membres de la Judson Church, mais surtout ses proches amis, les poètes Jackson Mac Low et Jerome Rothenberg. Il fondera d’ailleurs avec ce dernier la revue some/thing qui eut quatre numéros, dont un double, de 1965 à 1968. Pendant ce temps, il écrit ses premiers textes de critique d’art. Invité par Paul Brach, il déménage en 1968 sur la côte ouest avec sa femme Eleanor, l'artiste conceptuelle, et leur fils Blaise pour enseigner à l’Université de Californie de San Diego. L’année 1972 marque alors un tournant pour l’émigré new-yorkais, puisqu’il publie le livre Talking qui s’ouvre sur la phrase suivante: «si quelqu’un arrive et commence à vous parler un poème, comment sauriez-vous qu’il s’agissait d’un poème?»6 Cette proposition inaugure une attitude réflexive qui guidera dans l’ensemble de son travail l’interrogation du «parler» en cherchant autour de lui des formes qui ne seraient pas uniquement définies par les notions académiques de rythme et de prosodie ou par l’opposition selon lui artificielle entre la prose et le vers7. Quatre ans plus tard, en 1976, il publie parler aux frontières, premier recueil de poèmes parlés à proprement dit, une forme qu’Antin assoie avec ce volume.

En 1972, au coeur de sa période la plus dense de critique artistique, Antin publie aussi un long article dans la revue boundary 2 intitulé «Modernisme et postmodernisme: Approcher le présent dans la poésie américaine moderne», proposant l’analyse d’une situation contemporaine qui, à ses yeux, posait des questions irrésolues8. Il y rejette frontalement les pratiques poétiques basées sur la méthode du collage de Randall Jarrell, Delmore Schwartz et Robert Lowell, au profit des usages de la prose et de la langue vernaculaire de Gertrude Stein et William Carlos Williams ainsi que de la poétique performative de Charles Olson, John Cage et Jackson Mac Low. Tout comme les poèmes dit «modernistes» de Jarrell, Schwartz ou Lowell servent de contre-exemples, Nixon fait figure de repoussoir. Si c’est en regardant de près cette «tradition» poétique américaine qu’Antin la refuse, c’est en regardant de près Nixon qu’il se positionne pour définir sa propre pratique poétique et critique «postmoderne». Les apparitions de la figure de Nixon dans ses différents textes agissent comme si les prises de parole du président américain lui avaient permis, parallèlement à ces retours denses et partiaux sur l’histoire de l’art et de la poésie, de prendre en charge dans son œuvre différents régimes de discours et de performance orale. Dans le texte «la sociologie de l’art», on peut ainsi lire:

le mot mythe signifie histoire il provient d’un verbe grec un verbe intéressant mutheomai signifie raconter parler ce qu’il signifiait à l’origine c’était parler lorsque dans une épopée d’homère quelqu’un se lève et commence à disserter le verbe qu’on emploie pour décrire ça est mutheomai il se lève pour raconter une histoire et mythologise pourrait-on dire il mythe la valeur de vérité n’est pas immédiatement remise en question en d’autres termes ça ne veut pas dire que c’est un mensonge mais si je vous dis que le président nixon s’est levé et a «mythé» au congrès vous comprendriez qu’il a menti n’est-ce pas? si je vous dis qu’il s’est levé et qu’il a mythifié «le sénateur s’est levé et a mythifié pendant plusieurs heures» ça y mettrait un terme9


Le lecteur trouvera dans un grand nombre de textes ce même positionnement face à un ensemble de notions, de faits, d’œuvres, d’artistes et de discours artistiques. Cette persistance est le signe que son œuvre se situe dans la critique artistique certes, littéraire aussi, mais surtout qu’elle s’oriente vers une critique générale du discours10.

Nourri de ses expériences new-yorkaises de lectures et de performances, le tournant des années 1970 est donc pour Antin un moment de transition. De la même manière que Nixon se présente à la télévision, il inaugure une forme personnelle de performance poétique en se présentant devant un public. Dans son troisième texte sur «l’éducation de l’un-artiste», Allan Kaprow décrit parfaitement le dispositif employé par le poète:

On a demandé à David Antin de faire une conférence sur l’art. Il a improvisé et il a enregistré ce qu’il a dit sur bande magnétique. L’enregistrement a été décrypté, et tous les arrêts pour la reprise du souffle et les membres de phrase étaient indiqués par des blancs laissés dans les lignes imprimées. La transcription a été publiée d’abord comme un article dans une revue artistique, et par la suite comme un poème contenu dans un livre sur ses travaux récents. Mais qu’elle soit lue silencieusement où à haute voix, c’était simplement du David Antin parlant normalement.11

Sujet parlant, effectivement. C’est la base même de sa pratique. Mais en se focalisant sur la situation et le processus, ainsi que sur leur semblant de normalité, la description de Kaprow oublie justement que s’il s’agit bien «simplement du David Antin parlant normalement», c’est un David Antin dont le dispositif lui permet de jouer de sa propre honnêteté:

je fais des détours parce que d’une certaine manière je traite du rituel de ma propre image d’honnêteté une image absurde mais l’honnêteté est une drôle de chose pour les gens qui parlent je veux dire l’honnêteté concerne la vérité12


Cette lecture de l’expérience des performances du poète rejoint alors assez clairement l’intention de la présence de Nixon en tant que figure du postmodernisme dans son texte sur Morris. Antin cherche à y montrer l’évolution de la pensée de l’artiste, sa méthode de travail, ses réponses à des situations données, plutôt que la constance supposée nécessaire à la compréhension d’une œuvre au nom de l’identité artistique et de sa reconnaissance critique—une identité que l’artiste se devrait de conserver.

À celle-ci, Antin oppose une forme d’éthique qui se jouerait dans la façon qu’a l’artiste de faire face à une série de questions qui se posent au sein de son travail et non dans une manière de faire qui garderait la constance d’un modèle. Séparée de presque vingt ans, l’interrogation de la littéralité de «sociologie de l’art» trouve ici son inscription dans la critique artistique.

Cette approche est celle d’une méthode qu’il nomme «critique de la critique» dans un long entretien avec Charles Bernstein en 2002. Tentant ainsi de s’insérer dans un dialogue entre l’œuvre et le discours qui l’entoure, Antin cherche constamment à interroger ce qui est considéré comme acquis ou qui paraîtrait d’abord être une évidence:

Mon premier essai était une défense de Duchamp dans le magazine Kulchur de Lita Hornick, lorsque j’ai repris l’«Art Chronicle» en 1964. C’était une défense de l’artiste en tant qu’obstacle. Le second texte que j’ai fait dans Kulchur était une défense des bêtes peintures rayées de Stella—aussi en tant qu’obstacle. J’ai donc commencé à écrire de la critique d’art comme une critique de la critique.
[…] [J’ai] entrepris d’écrire une critique d’art non autoritaire qui fonctionnerait comme une conversation intelligente avec les œuvres, les artistes et les critiques, ainsi qu’avec les idées auxquelles ils se heurtaient.13

Sa «critique de la critique» de l’œuvre de Robert Morris s’appuie ainsi sur le reproche commun formulé à l’encontre de l’artiste selon lequel il serait «un cleptomane artistique et par conséquent un genre de faussaire»14, à l’inverse d’artistes comme LeWitt, Judd, ou même Christo, dont l’œuvre serait plus homogène et identifiable. Et de conclure son article en insistant sur l’idée que «[…] l’image qui émerge de l’ensemble du corpus d’œuvres de Morris est assez cohérente—un artiste inquiet, ironique et intellectuel qui dialogue avec les discours environnants qui l’intéressent, pour les délaisser aussitôt qu’ils cessent de l’intéresser. […] [I]l est difficile de déterminer la raison pour laquelle une image persistante est plus authentique qu’une image nerveuse, attentive et mobile.»15

Critique d’art et digression

Cette dernière proposition peut sembler paradoxale tant l’œuvre d’Antin est souvent elle-même identifiée à la seule «image persistante» de la performance des poèmes parlés et à leur transcription éditoriale. Toutefois, c’est probablement plus les qualificatifs de «nomade» et de «mobile», ou encore le «dialogue avec les discours environnants» qui sont à associer à la critique d’art d’Antin. Les écrits critiques d’Antin sont ainsi très proches de l’impulsion initiale des poèmes parlés où il est principalement question de l’expérience d’une pensée en action, comme il l’écrit dans «la rivière»:

tout au moins est-ce ainsi que je parle un processus en cours que j’essaie de relier à la pensée16


Il s’agit là d’un exemple parmi tant d’autres où Antin définit sa pratique comme l’action de «penser en parlant» à l’image de «l’écriture en pensant» d’un Wittgenstein17. Un peu plus loin, il adapte ce même mouvement à l’inscription de sa forme orale au sein d’un livre:

même si ce que je veux faire c’est rendre sur la page une image de la parole qui se propage dans l’air faire le pari de parler c’est faire le pari de réfléchir dans les pages même du livre18


Antin rappelle d’ailleurs que ses textes critiques sont souvent élaborés sous la forme de poèmes parlés avant leur réécriture19. Qu’il s’agisse des performances ou des écrits, le poète nous propose l’expérience d’une pensée qui se déploie dans la durée.

Dans «Exclusionary Tactics», un texte non repris par l’auteur dans ce recueil et publié en 1982 dans Art in America20, Antin revient sur cette même proposition d’expérience et sa nécessaire adresse spécifique à un public. Critique du livre La Place du spectateur de Michael Fried21, il y reprend quinze ans plus tard les critiques opposées par beaucoup à «Art et objectité» à la fin des années 196022. Selon lui, au cours de son étude des représentations de l’absorption intellectuelle dans la peinture de la seconde moitié du XVIIIe siècle, Fried met sciemment de côté la théâtralité des portraits de philosophes et d’écrivains au profit d’une absorption feinte, et ceci en s’appuyant pourtant sur les écrits de Denis Diderot, «peut-être l’artiste-critique le plus théâtral de l’histoire de l’art européen»23. Toutefois, c’est un passage à première vue plus anecdotique qui semble bien plus essentiel à la délimitation de sa forme critique:

Les écrits de Diderot sont si pleins de digressions qu’on peut dire qu’elles caractérisent son œuvre. […] Et dans Essai sur la peinture […] Diderot commente: «Qui sait où l’enchaînement de mes idées me conduira? Ma foi! Ce n’est pas moi.» À de rares exceptions—peut-être les pièces de théâtre, qui sont construites d’après des modèles préexistants pour obtenir des effets assez délibérés, parmi lesquels la composition n’était pas une préoccupation majeure—les œuvres de Diderot sont décousues, épisodiques et imprévisibles, d’une manière précisément opposée à tout ce qui est recommandé.24

Tout lecteur des textes d’Antin reconnaîtra très certainement là une possible description de leur structure—son usage des tirets (forme récurrente dans ses articles) ne faisant qu’appuyer la comparaison puisqu’il produit une digression au sein même de la phrase. À la lecture des textes de l’auteur, il devient clair que les formes poétique, performative et critique d’Antin se positionnent en faveur d’une expérience temporelle du discours par le biais de la digression. La publication de la pièce «qu’est-ce que je fais ici?», dans le numéro du printemps 1975 de la revue boundary 2, a par exemple donné lieu à de longues discussions publiées dans le même numéro sous la forme d’un échange épistolaire de cinquante pages dont l’objet initial était justement la longueur et les circonvolutions d’Antin, reproche auquel le poète coupe très rapidement court:

Ce texte est trop long—pour un texte littéraire—ce qu’il n’est pas. Et toute œuvre orale doit prendre en compte le problème récurrent selon lequel un esprit travaillant dans des conditions phénoménologiques plus naturelles—se tenir debout et parler—est plus relâché et plus ordinaire, ce n’est qu’en tâtonnant qu’il découvre peu à peu les ouvertures dans le mur ou la route, à droite, pour se détourner de la voie du lieu commun. Bien entendu, de temps à autre, il prend de mauvais chemins, mais effacer un faux pas reviendrait aussi à effacer le chemin qui mène à la découverte. Qui est ce que je cherche.25

Tout l’aplomb de certaines positions critiques d’Antin se retrouve dans le ton de cet échange, mais ce qu’on retiendra de nouveau c’est l’importance accordée à l’expérience proposée par le processus de pensée, que celle-ci soit adressée au spectateur dans le cours de la performance ou au lecteur lors de sa transcription sur papier puis dans le livre. Ainsi dans la pièce «dialogue»:

j’ai toujours considéré que je me lançais avec des gens dans des pièces parlées et les pièces je les vois un peu comme dialogiques d’une certaine manière26


Dans «parler à blérancourt», tout en revenant sur ses premiers textes de critique d’art pour la revue allemande Kunstwerk, il propose une définition de sa critique d’art qui serait en opposition au «style de clement greenberg», c’est-à-dire en opposition avec un jugement de valeur par rapport à des critères autoritaires27. Outre une volonté de «dialoguer avec l’œuvre», il s’agit aussi «en tant qu’artiste de [s]’adresser à un autre artiste et à quiconque voudrait bien [l]’écouter»28 à propos de «choses auxquelles [il] pouvai[t] réfléchir»28. Voilà une proposition de positionnement qui est bien plus phénoménologique et littéraire que proprement critique.

Au cours de son entretien avec Charles Bernstein, Antin précise qu’«en tant que critique d’art, [il] partage un monde avec John Ashbery et Frank O’Hara, mais pas leur investissement dans une sorte de dandysme urbain. Ou leur sorte de culture de connaisseur.»30 Le lien est d’autant plus fort qu’il travailla avec Ashbery à Art and Literature puis à Art News, et qu’il reprendra, pour deux numéros, la chronique de O’Hara pour Kulchur. Cette critique qui formait la base des auteurs d’Art News sous la direction de Tom Hess a été décriée par Hal Foster qui écrit qu’ils «pouvaient seulement se prévaloir d’un vague rapport avec les comptes-rendus littéraires des Salons français» et, reprenant les mots de membres d’Artforum de l’époque (Fried, Barbara Rose, Annette Michelson), qu’il ne s’agissait pas de critique comme «discipline sérieuse»31. Ce reproche sera réitéré par un critique comme Douglas Crimp qui, après avoir contribué à plusieurs numéros d’Art News, précise qu’à son arrivée dans la rédaction d’October en 1977, il était «déterminé à trouver une position critique qui évite à la fois l’approche poétique d’Art News et le formalisme greenbergien de nombreux critiques d’Artforum, en particulier Michael Fried»32. Si Antin appartient donc bien à cette lignée de critiques-poètes, il n’indique cependant pas ce qui le différencie ni ce qui le rapproche de cette critique poétique. La caractérisation des écrits d’Antin au sein de cet ensemble paraît en effet se situer ailleurs. Un des reproches que Crimp adresse à Art News est par exemple d’avoir privilégié des textes de critiques d’art écrits par des artistes tels que Vito Acconci ou Laurie Anderson au détriment des écrits théoriques d’artistes comme ceux de Smithson publiés dans Artforum. Sans doute est-ce ici que se trouve circonscrite la position d’Antin qui précise rétrospectivement que «[sa] relation à la scène de l’art contemporain […] était ambiguë» et qu’il «pense avoir écrit de manière ambiguë sur elle»33.

Il est très clair au vu des longs développements sur l’histoire de l’art moderne dans «‹Un désert rempli de vagues de sensations sans objet›»34, «Questions à propos du modernisme»[^questions à propos du modernisme] ou encore dans «L’esprit nomade de Robert Morris»36, qu’Antin répond d’abord à «l’idée reçue qui fait de la narration et de la représentation les deux plus grands ennemis du modernisme»37, ce qui le mènera à prendre des positions plus proches de l’anthologie Breakthrough Fictioneers de Richard Kostelanetz38 que des débats sur l’art conceptuel. Sa position ambiguë est peut-être plus précise dans sa relation directe à l’art et à la scène artistique. Son entourage comptait en effet de nombreux sculpteurs minimalistes et artistes conceptuels; sa femme, Eleanor Antin, est une artiste conceptuelle et féministe qui avait commencé comme peintre expressionniste abstrait. Il a été commissaire à Boston et à San Diego d’expositions portant aussi bien sur Fluxus, l’art vidéo, l’œuvre de Richard Serra ou encore celles post-pop d’Alex Katz ou Allan D’Arcangelo. Il ne cesse toutefois de parler de «monde de l’art», comme une extériorisation, une mise à distance, qui de par sa position de poète lui permet un certain détachement. Il peut ainsi se réfugier derrière elle lorsqu’il s’agit par exemple de traiter longuement de l’exposition Art and Technology du LACMA en 1971, à laquelle il avait lui-même participé en tant que consultant, ou de proposer un texte plus littéraire que critique pour l’exposition thématique Machine de Pontus Hulten, au MoMA, en 1968. Cette distance prise, c’est de nouveau vers l’expérience de l’œuvre et du texte que se tourne Antin, et sans doute que l’ambiguïté tient davantage dans le genre de texte, et donc dans la méthode, qu’il propose «en tant qu’artiste s’adressant à un autre artiste».

Crise des missiles et expérience de perception

Pour le jeu de l’argumentation, nous pouvons formuler le même reproche que l’auteur adresse dans son texte «L'art et les entreprises»39 à Maurice Tuchman, commissaire de l’exposition Art and Technology et à 9 Evenings: Theater and Engineering d’Experiments in Art and Technology en 1966, à savoir qu’il s’agissait de deux événements «mus par ce qu’on pourrait appeler une sensibilité pop dans son sens large. L’art américain du début des années 1960 se distinguait par un désir intense, quoique potentiellement ambigu, d’épouser la culture.»40 Chez Antin, la présence de Nixon, tout comme un certain nombre d’exemples récurrents tels que les Kennedy, la guerre du Viêt Nam ou la crise des missiles de Cuba pour ce qui concerne les années 1960-1970, fonctionnent certes comme des éléments contextuels, mais aussi comme des prélèvements au sein de la culture contemporaine qui toujours lui permettent d’élaborer des questions esthétiques et critiques.

Un des éléments clés de l’escalade de la crise des missiles cubains est par exemple la présentation devant les Nations unies par Adlai Stevenson, ambassadeur des États-Unis, le 25 octobre 1962 des preuves de la présence de rampes de lancement de missiles à Cuba. Une de ses représentations les plus connues montre Stevenson debout à côté d’un panneau sur lequel sont disposées trois photographies. Stevenson et le panneau sont situés en dehors du cercle de bureaux autour duquel les ambassadeurs sont habituellement tous assis. Ils sont un peu en retrait et entourés par une petite foule de ce qu’on imagine être des diplomates s’étant levés faute de voir précisément les images depuis leurs places. Cette belle mise en scène a été capturée, entre autres, par une prise de vue en plongée à partir, on l’imagine, d'un balcon réservé à la presse. C’est un plan d’ensemble cadrant la situation de la démonstration plus que la démonstration elle-même. L’allocution d’Adlai Stevenson a été diffusée à la télévision et fut vue dans tous les foyers américains possédant un récepteur.

Relevant le hiatus de ce dispositif, Antin écrit que Stevenson «expos[e] à la nation les preuves irréfutables de la présence de lanceurs de missiles cubains sur des photographies aériennes indéchiffrables sur un écran de télévision»41 ou «que seules de vagues formes grises permettent de distinguer à l’écran»42. L’événement médiatique réapparaît lui aussi à plusieurs reprises dans ses textes critiques et fonctionne comme un motif récurrent à partir duquel le dispositif de vision peut servir de matrice à une des orientations de son esthétique. S’y loge en effet un paradoxe visuel qu’Antin se plaît à traiter de manière réflexive, narrative ou phénoménologique et qui, par le biais d’un média technique, ici la télévision, s’inscrit dans une réflexion sur les positions d’émetteur et de récepteur.

La comparaison entre le dispositif télévisuel et le dispositif vidéo dans «Vidéo: Caractéristiques distinctives du médium»43 fait d’ailleurs apparaître dans son œuvre un glissement sémantique où les termes «émetteur» et «récepteur» se transforment en artiste et public, termes à partir desquels Antin déploie une esthétique de la réception. Ce glissement se trouve expliqué au début des années 1980, lorsque le poète cherche à définir sa propre pratique et qualifie la parole et le livre de médiums non «parfaits» qui «médiatise[nt] une transaction et la [font] dévier», tout comme «le langage a ses habitudes sa densité son indice de réfraction»44. Antin passe d’un média physique (la télévision, le livre) à la parole et au langage dont les propriétés d’émission, de diffusion et de réception sont elles aussi interrogées. C’est en ce sens qu’il va chercher à se situer en plein dans une de ses «caractéristiques distinctives», ici l’interrogation du moyen par lequel «nous serions capables de dire ce que nous voulons dire»45. Appliquée aux poèmes parlés, la réponse paraît en soi assez simple:

je me tiens debout nous nous tenons vous vous tenez debout quelque part tournés dans une certaine direction dans cet espace sémantique46


Il s’agit donc de faire se rencontrer les espaces sémantiques respectifs de l’émetteur (Antin) et du récepteur (le public, le lecteur). Antin cherche ainsi à définir une esthétique de l’accord, ou plutôt de la recherche de cet accord, elle-même basée sur la performance et le régime d’expérience qu’elle propose. Selon lui, deux individus doivent chercher à s’accorder comme deux sujets autonomes, plus qu’ils ne doivent chercher à se comprendre comme deux sujets identiques.

C’est là le cœur de son esthétique. Elle n’est pas essentiellement une critique picturale ou plastique. Elle se base sur la reconnaissance des «signaux» envoyés aux spectateurs par l’artiste à travers l’œuvre. Et ce dialogue avec l’œuvre conduit à celui entre le critique et le lecteur. Se positionnant en ceci «plein sud» par rapport à la critique «antithéâtrale» de Fried en affirmant une forme de théâtralité pour ses performances et écrits, il se rapproche autant de L'Art comme expérience de John Dewey47 que de Temps et récit de Paul Ricoeur48, c’est-à-dire d’une esthétique de l’expérience autant que d’une recherche des différentes composantes de la communication artistique et littéraire. Paul Ricoeur décrit ainsi dans Le Temps raconté les étapes du processus d’élaboration et de réception du discours littéraire: «1) la stratégie en tant que fomentée par l’auteur et dirigée vers le lecteur; 2) l’inscription de cette stratégie dans la configuration littéraire; 3) la réponse du lecteur considéré lui-même soit comme sujet lisant, soit comme public récepteur»49. C’est au beau milieu de cette situation que s’insèrent la pratique performative et la pratique critique d’Antin.

Sa position critique est en effet proche de celle d’un traducteur, métier qu’il a exercé pendant plusieurs années. Il cherche à saisir le champ sémantique et pictural au sein duquel s’inscrit l’œuvre. C’est par exemple la position adoptée dans son poème parlé sur la chapelle Rothko lorsqu’il se met en scène en train d’observer sur site les huit tableaux agencés dans l’espace. Il se trouve alors face à un ensemble de peintures qu’il ne peut voir d’un seul coup d’oeil et doit continuellement jouer avec la mémoire qu’il a des autres œuvres pour identifier les caractéristiques comparatives. Antin relève ainsi que le dispositif optique de la chapelle joue sur l’obscurité et la perception des couleurs par l’intermédiaire de la lumière ambiante, et donc que l'expérience proposée est aussi picturale que phénoménologique. Il en vient alors à la situer dans une interconnexion de la perception, du langage, de la mémoire et de la critique de la culture visuelle médiatique contemporaine:

le langage tel que nous le recevons est un formidable réseau de significations tout autant qu’un dépotoir l’ensemble de la stupide histoire de la culture humaine est incorporé dans notre langage ainsi que la majeure partie de son génie nous sommes donc des charognards aux prises avec une pile de déchets et lorsque nous traitons de l’importance de la lumière et de l’obscurité dans une œuvre d’art quelle part du réseau de sens invoquons-nous faisons-nous appel à la rhétorique sublime des physiciens à alamogordo «plus brillant qu’un millier de soleils» ou à l’image affligeante du nuage nucléaire qu’on voyait en permanence dans les années 195050


Avec cette conclusion, Antin revient à son point de départ, à savoir que la chapelle Rothko soulève une problématique qui peut être résolue par des questions linguistiques. L’expérience qu’il en fait est selon lui similaire à celle que propose sa définition de la narration. Il écrit ainsi dans «le bruit du temps» que l’on pourrait «fabriquer une œuvre d’art qui serait un peu comme la construction d’une narration», et précise qu’«une narration est une représentation de la confrontation de quelqu’un qui veut quelque chose avec la menace et ou la promesse d’une transformation qu’il ou elle s’efforce de provoquer ou d’empêcher ou les deux»51. En ce sens, la chapelle Rothko est une narration:

le visiteur n’a pas d’autre solution que de batailler pour voir les peintures sur les murs devant […] qui voudrait croire qu’il ne change pas en dépit des changements quasi inéluctables de son état perceptuel et de son humeur occasionnés par la durée et la difficulté de la visite pour ricoeur c’était le centre de la narration l’esprit humain faisant face à ce qu’il a appelé les apories les impasses du temps52


Wittgenstein en Californie

C’est une même question d’expérience perceptive qui se trouve au coeur de son texte «est-ce le bon endroit?» Comme pour la chapelle Rothko, c’est la liaison entre la potentialité d’une vision globale et la possibilité de manquer de voir quelque chose par la restriction du champ de vision qu’Antin repère dans California Map Project (1969) de John Baldessari.

«quel endroit y a-t-il en dessous?» ça n’est pas indiqué par un grand signe je sais que john baldessari a parcouru la californie en plaçant les lettres «C» «A» «L» «I» «F» «O» «R» «N» «I» «A» de sorte qu’elles soient visibles depuis un avion ce qui était un grand service rendu à la californie ou aux annonceurs publics et par la suite il les a photographiées ainsi vous saviez enfin où vous étiez si vous regardez constamment à travers le hublot bien que vous risquiez de ne pas le savoir si vous manquez trois lettres vous pourriez penser avoir lu CAFONIA ou vous pourriez oublier chaque lettre lorsque vous apercevez la suivante mais ce qui importe c’est que vous aviez la possibilité de comprendre53


Si l’on considère la période qui nous intéresse ici, il faut noter que John Baldessari est sûrement un des grands absents de ce livre. Un rapide regard sur l’arrivée d’Antin à San Diego montre qu’il est pour lui une figure aussi importante que Robert Morris ou Allan Kaprow, et n’est cité dans le livre qu’à titre d’exemple54. Baldessari est pourtant présent aux côtés d’Eleanor Antin, Harold Cohen, Dan Graham, Fred Lonidier, George Nicolaidis, Richard Serra et Keith Sonnier dans sa sélection pour le numéro spécial de Studio International dirigé par Seth Siegelaub en 1970.

Rappelons seulement ici qu’Antin a été un grand supporter de Baldessari et qu’au-delà du fait qu’il a joué le rôle d’intermédiaire pour l’exposition de l’artiste à la Molly Barnes Gallery en 1968, Antin est aussi, comme le déclare Baldessari, en discussion avec lui sur les questions photographiques en jeu dans ses Commissioned Paintings (1969) 55. La présence d’un texte d’Antin dans le catalogue de l’exposition National City de Baldessari56, du nom de la ville de banlieue de San Diego où est né l'artiste, semble par ailleurs ramener le poète dans une situation géographique particulière. Peut-on toutefois parler d’un positionnement périphérique similaire à ce que semble affirmer le titre de l'exposition? C’est une question qui peut sans doute être mieux comprise à l’aune de certaines évocations topographiques, comme dans le texte «la frange» dans ce qu’être d’avant-garde veut dire:

d’une certaine manière j’ai toujours eu le sentiment de me trouver au bon endroit et le bon endroit était un endroit à l’ombre de la lumière au centre de la nappe57


Et d’une façon un peu paradoxale par rapport à sa pratique performative:

mais la chose que je ne pouvais pas faire parce que je ne voulais pas la faire c’était d’être en pleine lumière58


En tout cas, il est clair que la ville de San Diego, plus proche de la frontière mexicaine que de Los Angeles, lui a semblé bien éloignée du centre artistique qu’était New York, là où il avait jusqu’alors vécu. L’arrivée du couple et de leur jeune fils a établi une étrange mélancolie qui, trente ans après la publication de Talking, transpire dans la note de l’auteur dans la réédition de Dalkey Archive:

Nous étions de récents émigrés de New York City et nous avions vécu la plupart de notre vie dans l’intense monde métropolitain de Manhattan, où il se passait toujours toutes sortes de choses et où tout le monde était au courant de tout. Et nous habitions maintenant à Solana Beach, où rien ne se passait, ou alors rien que vous ne pouviez réellement voir.59

Sa position critique décentrée, pourrait-on dire, peut être qualifiée en suivant celle de Baldessari à la fin des années 1960 et au début des années 1970 et en particulier dans leur relation respective à la pensée de Ludwig Wittgenstein. Les Recherches philosophiques du philosophe autrichien, publiées en anglais en 1953, sont aussi importantes pour Antin et Baldessari qu’elles ne le sont pour Sol LeWitt, Joseph Kosuth, Mel Bochner ou Dan Flavin. Cependant, Antin est bien plus proche de What Is Painting (1968) de Baldessari et des définitions paradoxales de George Brecht60 que des applications littérales de One and Three Chairs (1965) de Kosuth ou même des Wittgenstein Illustrations (1973) de Bochner61. Chez Baldessari et Antin, l'apport de la lecture de Wittgenstein se trouve dans la théorie des jeux de langage, c'est-à-dire des règles et des actions au sein de ces règles qui sont transposées dans le champs de l'art, de la peinture, de la photographie, de la poésie, de la performance et de la critique d'art, souvent avec humour pour Baldessari comme le montre par exemple Retouche Series: Rubin’s Effect—Four Faces; Two Vases (Male, Female/Lisa Minelli Pair) (1976) qui s’appuie sur les recherches sur la psychologie de la perception du philosophe. Ce qui importe pour Antin, c’est certes la célèbre note 43 des Recherches philosophiques:

  1. Pour une large classe des cas où il est utilisé—non pour tous—, le mot «signification» peut être expliqué de la façon suivante: La signification d’un mot est son emploi dans le langage.
    Et l’on explique parfois la signification d’un nom en montrant le porteur de ce nom.62

Mais comme le montre son texte «Wittgenstein parmi les poètes»63, Antin retient aussi la maxime selon laquelle «[l]a philosophie, on devrait, pour bien faire, ne l’écrire qu’en poème»64 et l’idée disséminée par Stanley Cavell qui propose que chez Wittgenstein le «philosophique» et le «littéraire» sont inséparables65. En ceci, on peut situer son approche dans l’environnement des définitions ou autres déclarations des artistes conceptuels, de «L’art après la philosophie» de Kosuth à la proposition d’Henry Flynt pour qui «le concept art est une forme d’art dont le matériau est le langage»66. Mais ce qui intéresse Antin au moins autant que le langage, ce n’est pas tant la pensée de Wittgenstein que la manière dont il l’élabore. Et c’est bien là ce que nous propose ce recueil. Dans «L’inconnu à la porte», en comparant les «Commentaires pour un langage inconnu» de George Brecht au Tractatus logico-philosophicus du philosophe, Antin souligne qu’ils sont «construits à partir du même type de matériaux», c’est-à-dire à partir de propositions qui sont des «impulsions» pour une «forme de spéculation» logique67. C’est cette même impulsion du langage qu’on retrouve dans les propres textes de l’auteur. Désengagée de questionnements logiques ou de traductions dans le champ artistique, on la trouve décrite lorsqu’il revient sur les cours de Wittgenstein à Cambridge après avoir décrit minutieusement les étapes ayant mené à la publication du Tractatus:

L’ensemble des Recherches philosophiques peut s’interpréter comme une forme de pensée en écrivant qui reposait selon toute vraisemblance sur la pensée en parlant de Wittgenstein. Quelles que soient les manières de le qualifier, Wittgenstein était un philosophe qui improvisait et parlait, qu’il s’adresse à ses collègues et ses amis dans des colloques, ou à des étudiants dans ses cours, ou à lui-même lorsqu’il écrivait. […] Il semble donc probablement que la quasi-totalité de la «pensée en écrivant» de Wittgenstein était une «pensée en parlant» […].68

Si le présent ouvrage est bien un recueil de textes critiques, c’est un recueil qui expose aussi comment se construit une critique artistique et littéraire lorsqu’elle est associée à l’élaboration d’une pratique poétique. Les textes d’Antin, en ce sens véritables «écrits d’artistes», révèlent comment se déploient conjointement une «pensée en écrivant» et une «pensée en parlant», qu’il s’agisse de ses articles ou de ses poèmes parlés. La section dédiée aux textes de critique littéraire met cette élaboration conjointe en perspective dans la mesure où le genre de textes est différent de ceux de la section de critique d'art. Si dans la dernière il s’agit de textes qui portent principalement sur des œuvres plastiques d’artistes contemporains (ou «historiques» pour Duchamp), les textes de critique littéraire trouvent leur impulsion dans les grandes étapes de son œuvre poétique. Selon la partition de l’édition originale que nous avons ici gardée, la section dédiée à la critique littéraire s’ouvre ainsi sur deux textes particulièrement importants qui marquent le tournant de sa pratique puisque leur date de publication coïncide avec celle de Talking. Ce sont des textes critiques à part entière dans la mesure où Antin revient sur l’histoire de la poésie américaine moderne et propose les prémices d’une histoire poétique postmoderne. Pourtant, les propositions qui y sont faites semblent toujours être prononcées à la lumière de son propre passage d’une pratique poétique faite de prélèvements et de collages à celle travaillant les spécificités de l’oralité. Plus qu’ils ne marquent l’ouverture d’une section consacrée à la littérature après celle dédiée à l’art, ces deux textes sont ainsi le signe d’une ouverture conceptuelle dans l’élaboration du livre en tant que tel.

Généralement disposés chronologiquement, certains textes font exception. Le livre procède comme si Antin cherchait à nous guider dans un parcours dont le cheminement nous donnerait une clé pour la compréhension générale de son œuvre. Ainsi «cohérence radicale» traite-t-il de son passage du collage à la performance et «L’inconnu à la porte» de la question de genre au coeur selon lui des textes de George Brecht qui, par là, devient le symbole de son propre travail éditorial avec Jerome Rothenberg au sein de la revue some/thing. «Le mendiant et le roi» et «‹la mort du journalier›» se concentrent sur des questions proprement poétiques et littéraires, le premier en proposant une définition de ce qui fait narration dans un texte et le second en opérant une critique de la métaphore poétique. «FINE FURS» revient ensuite sur ses sky poems et un projet d’installation avorté d’une œuvre d’art public dans un aéroport, chacun prétexte à la réflexion des spécificités d'une adresse poétique et artistique dans un espace public. Son texte sur Wittgenstein semble quant à lui, on l’a dit, être une définition en creux de sa propre pratique et, finalement, celui à propos de John Cage se concentre sur la structure poétique et la répétition au sein d’«Indétermination», la deuxième section de «Composition comme processus» publié dans Silence69. Cette deuxième section relève davantage d’une attitude wittgensteinienne d’élaboration d’une pensée sur plusieurs dizaines d’années que d’un recueil de textes critiques sur la littérature, même si, au fur et à mesure de l’accumulation de textes, s’esquissent les propositions critiques de l’auteur concernant les genres littéraires, l’opposition entre histoire et narration, le rapport entre écriture et performance, etc. Au cours de son appréhension du livre, le lecteur repère les connexions entre les différents textes et fait l’expérience du développement de la pensée de David Antin.

«Les lectures de Wittgenstein sur l’esthétique données à Cambridge durant l’été 1938 étaient conçues pour montrer que […] ce qui importe est ‹l’occasion› lors de laquelle [les] mots sont dits, les usages selon lesquels ils sont utilisés», écrit Perloff70. En ceci, plus qu’une oeuvre produite en puisant chez Wittgenstein une série de principes philosophiques, Antin a produit une œuvre, et un livre, dont l’attitude initiale est toute wittgensteinienne, c’est-à-dire une attitude qui, à l’image de l’enseignant Wittgenstein improvisant, chercherait selon Charles Bernstein à «revitaliser la poésie en se concentrant sur son adresse/en direct à un public, & encore plus subtilement en désarmant/le scepticisme du lecteur ou du public en lui faisant admettre sa présence autant que la sienne»71. En 1986, au cours de la performance de son poème parlé biography72, Antin propose de comprendre la vie ou la carrière d'un artiste comme le corps démembré d'Orphée qui, bien que morcelé, continue de chanter et de jouer de sa lyre. Loin de s'approprier la figure mythologique de l'inspiration dans une perspective classique, elle est selon lui l'illustration d'un moi morcelé, répondant différemment à chacune des occasions qu'il rencontre. Avec cet ouvrage, Antin contourne le l'écueil d'un catalogue, d'une biographie ou d'un recueil d'essais: chercher à unifier ces membres hétérogènes dont l'unité est pourtant faite de disjonctions. Il s'agit en effet de reconnaître ces disjonctions et d'en saisir les moments de transformation.


  1. David Antin, «the existential allegory of the rothko chapel», in Glenn Phillips et Thomas Crow (dir.), Seeing Rothko, Los Angeles, Getty Research Institute, 2005, p.123; repris dans le présent volume sous le titre «l’allégorie existentielle de la chapelle rothko», p.177.  

  2. Marjorie Perloff, «Introduction», in David Antin, Talking (New York, Kulchur, 1972), McLean (IL)—Victoria (TX), Dalkey Archive Press, 2001, p.V.  

  3. David Antin et Charles Bernstein, A Conversation with David Antin, New York, Granary Books, 2002, p.41.  

  4. Eric Havelock, Preface to Plato (1963), Cambridge (MA), Harvard University Press, 1982.  

  5. David Antin, «Have Mind, Will Travel», in Robert Morris, The Mind/Body Problem, New York, The Solomon R. Guggenheim Foundation, 1994, p.34-49; repris dans le présent volume sous le titre «L’esprit nomade de Robert Morris», p.165.  

  6. David Antin, Talking, op. cit., p.8.  

  7. Voir par exemple la définition donnée dans «Duchamp: The Meal and the Remainder», Art News, vol. 71, №6, octobre 1971, p.68; repris dans le présent volume sous le titre «Duchamp: Le repas et les restes», p. 197: «Un poème en prose? Qu’est-ce que c’est? Nous ne sommes peut-être pas certains de ce qu’est un poème, mais nous savons ce qu’est la prose, plus ou moins. Historiquement parlant, la prose, une idée romaine, renvoyait à un ‹parler direct› (prose = proversus oratio) qui, au gré d’une sorte d’étymologie populaire, s’opposait au vers (et non à la poésie), le vers (verso) que l’on tient pour une dérivation du verbe vertere—tourner, et par conséquent ‹parler de manière détournée›. Le vers était donc un parler ‹indirect› là où la prose était directe.»  

  8. David Antin, «Modernism and Postmodernism: Approaching the Present in Modern American Poetry», boundary 2, vol. 1, №1, 1972, p.98-133; repris dans le présent volume sous le titre «Modernisme et postmodernisme: Approcher le présent dans la poésie américaine moderne», p.229-280.  

  9. David Antin, «la sociologie de l’art», in parler aux frontières, trad. Jean- François Caro et Camille Pageard, Bruxelles, Vies Parallèles, 2017, p.161.  

  10. Voir par exemple son texte sur l’art vidéo et la télévision, «Video: the Distinctive Features of the Medium», in Video Art (cat.), Philadelphie, Institute of Contemporary Art, juin 1975, p.57-72 et son essai traitant des différences entre narration et histoire, «The Beggar and the King», Pacific Coast Philology, vol. 30, №2, p.143-154; repris dans le présent ouvrage sous les titres «Vidéo: Caractéristiques distinctives du médium», p.115-142 et «Le mendiant et le roi», p.367-384.  

  11. Allan Kaprow, «L’éducation de l’un-artiste III» (1974), in L’Art et la vie confondus, dir. Jeff Kelley, trad. Jacques Donguy, Paris, Centre Georges Pompidou, 1996, p.180.  

  12. David Antin, «un espace plus privé», in parler aux frontières, op. cit., p.248.  

  13. David Antin et Charles Bernstein, op. cit., p.40-41.  

  14. Critique de Roberta Smith dans The New York Times du 20 janvier 1990 citée par David Antin dans «L’esprit nomade de Robert Morris», art. cit., p.143.  

  15. Ibid., p.172-173.  

  16. David Antin, «la rivière», in ce qu’être d’avant-garde veut dire (1993), trad. Vincent Broqua, Olivier Brossard et Abigail Lang, Dijon, Les presses du réel, 2008, p.159.  

  17. David Antin, «Wittgenstein Among the Poets», Modernism, vol. 5, №1, 1998, p.149-166; repris dans le présent ouvrage sous le titre «Wittgenstein parmi les poètes», p.452-253.  

  18. David Antin, «la rivière», art. cit., p.161.  

  19. On peut retrouver le poème parlé «Duchamp and Language», performé en 1971 à l'University of California d'Irvine, publié dans le catalogue Marcel Duchamp de 1973 (Anne d’Harnoncourt et Kynaston McShine [dir.], Philadelphie—New York, Museum of Modern Art—Philadelphia Museum of Art—Prestel, rééd. 1989, p.99-115), repris sous une forme révisée dans le texte «Duchamp: Le repas et les restes», art. cit., p.195-204. D'autres exemples sont plus évidents puisqu'ils conservent leur adresse au public, leur expression phatique, dans le texte. C'est le cas par exemple de «FINE FURS» ou du «Mendiant et le roi». La récente mise en ligne des enregistrements des performances d'Antin sur le site du Getty Research Institute permet de saisir que beaucoup étaient le lieu de réflexion et d'élaboration d'une pensée qui se reconfigurait selon les occasions et trouvait place dans l'un ou l'autre des recueils, ou dans ses différents articles.  

  20. David Antin, «Exclusionary Tactics», *Art in America, vol. 70, №4, avril 1982, p.35-42. 

  21. Michael Fried, La Place du spectateur. Esthétique de la peinture moderne (1980), Paris, Gallimard, 1990.  

  22. Michael Fried, «Art et objectité» (1967), in Contre la théâtralité. Du minimalisme à la photographie contemporaine (1998), Paris, Gallimard, 2007, p.113-140.  

  23. David Antin, «Exclusionary Tactics», art. cit., p.36.  

  24. Ibid., p.39-40.  

  25. David Antin, «A Correspondance with the Editors, William V. Spanos and Robert Kroetsch», boundary 2, vol. 3, №3: «The Oral Impulse in Contemporary American Poetry», printemps 1975, p.600. La traduction est extraite du texte «Parler-enregistrer-transcrire» de Vincent Broqua, in À partir de rien. Esthétique, poétique, politique de l’infime, Paris, Michel Houdiard éditeur, 2013, p.65.  

  26. David Antin, «dialogue», in accorder (1984), trad. Pascal Poyet, Genève, Héros-Limite, 2012, p.261.  

  27. Idem. «or qu’est-ce qu’un critique d’art professionnel est supposé faire […] il doit dire aux gens quelles œuvres sont bonnes et quelles œuvres sont mauvaises ou lesquelles sont mieux et lesquelles moins bien et c’est l’idée que vous êtes un morceau de papier de tournesol professionnel vous virez au bleu quand vous voyez une œuvre bonne […] tout le monde a vu que vous aviez viré au bleu pour une raison suffisante c’est ce que j’appellerais le style de critique d’art de clement greenberg puis vous écrivez un baratin qui rend probable que vous ayez viré au bleu pour une raison suffisante»  

  28. David Antin, «parler à blérancourt», in je n’ai jamais su quelle heure il était, trad. Pascal Poyet, Genève, Héros-Limite, 2006, p.66.  

  29. Ibid., p.67.  

  30. David Antin et Charles Bernstein, op. cit., p.96. Sur la critique d’art de Frank O’Hara, voir Russel Ferguson, In Memory of My Feelings: Frank O’Hara and American Art, Los Angeles, The Museum of Contemporary Art—University of California Press, 1999. Pour un aperçu des textes critiques de John Ashbery, voir Reported Sightings: Art Chronicles, 1957-1987, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1991.  

  31. Hal Foster, «Critique d’art: Une espèce en voie d’extinction» (2001), in Design & Crime (2002), trad. Christophe Jaquet (et al.), Paris, Les prairies ordinaires, 2008, p.142.  

  32. Propos de Douglas Crimp issu du chapitre «Art News Parties», de Before Pictures (New York—Chicago, Dancing Foxes Press—The University of Chicago Press, 2016, p.10), cités par Gaëtan Thomas dans «Pas d’images sans contexte», in Douglas Crimp, Pictures. S’approprier la photographie, New York, 1979-2014, Cherbourg—Octeville, Le Point du Jour, 2016, p.9.  

  33. David Antin, Ibid., p.72.  

  34. David Antin, «‹It Reaches a Desert in which Nothing Can Be Perceived but Feeling›», Art News, vol. 70, №1, mars 1971, p.38-40, 66-70; repris dans le présent volume sous le titre «‹Un désert rempli de vagues de sensations sans objet›», p.69-90. 

  35. David Antin, «Some Questions about Modernism», Occident, vol. 8, printemps 1974, p.6-38; repris dans le présent volume sous le titre «Questions à propos du modernisme», p.281-322.  

  36. David Antin, «L’esprit nomade de Robert Morris», art. cit., p.143-176.  

  37. David Antin, «je n’ai jamais su quelle heure il était», in je n’ai jamais su quelle heure il était, op. cit., p.107.  

  38. Richard Kostelanetz, Breakthrough Fictioneers, New York, Something Else Press, 1973.  

  39. David Antin, «Art and Corporations», Art News, vol. 70, №5, septembre 1971, p.22-36, 53-56; repris dans le présent volume sous le titre «L'art et les entreprises», p.91-113.  

  40. Ibid., p.108.  

  41. David Antin, «l’allégorie existentielle de la chapelle rothko», art. cit., p.191.  

  42. David Antin, «Vidéo: Caractéristiques distinctives du médium», art. cit., p.139.  

  43. Ibid., p.115-142.  

  44. David Antin, «biens immobiliers», in accorder, op. cit., p.68-69.  

  45. David Antin, «l’allégorie existentielle de la chapelle rothko», art. cit., p.188.  

  46. David Antin, «accorder», in accorder, op. cit., p.141.  

  47. John Dewey, L’Art comme expérience (1934), trad. Jean-Pierre Cometti, Christophe Domino, Fabienne Gaspari (et al.), Paris, Gallimard, 2005.  

  48. Paul Ricoeur, Temps et récit, t. III—Le Temps raconté, Paris, Seuil, 1983-1985.  

  49. Ibid., p.288.  

  50. David Antin, «l’allégorie existentielle de la chapelle rothko», art. cit., p.190-191.  

  51. David Antin, «le bruit du temps», in je n’ai jamais su quelle heure il était, op. cit., p.87.  

  52. Ibid., p.87-88.  

  53. David Antin, «est-ce le bon endroit?», in parler aux frontières, op. cit., p.31.  

  54. Il en va de même d’un grand nombre d’artistes dont les noms jalonnent son œuvre littéraire et critique mais qui ne sont cités qu’à titre d’exemple. Il est pourtant important de relever l’importance de deux d’entre eux pour la scène new-yorkaise, Dan Graham et Vito Acconci. Voir à ce sujet le début du poème parlé «un espace plus privé», art. cit., p.245-250. Par ailleurs, Dan Graham sera celui qui commandera et publiera le texte «In Place of a Lecture: 3 Musics for 2 Voices» dans Aspen (№8, hiver 1970-1971) et qui sera réédité dans Talking (op. cit., 1972, p.36-81).  

  55. John Baldessari, «Interview with John Baldessari» par Hugh Davies et Andrea Hales dans le catalogue John Baldessari: National City, San Diego, Museum of Contemporary Art of San Diego, 1996, p.97.  

  56. David Antin, Huit histoires pour John Baldessari, trad. Pascal Poyet, Toulouse, contrat maint, 2000.  

  57. David Antin, «la frange», in ce qu’être d’avant-garde veut dire, op. cit., p.16-17.  

  58. Ibid., p.21.  

  59. David Antin, «Looking Back at Talking», in Talking, op. cit., p.187.  

  60. Voir la réponse de David Antin dans A Conversation with David Antin, op. cit., p.36-37 et l'analyse de l'œuvre de Brecht dans «Stranger at the Door», Genre, vol. 20, №3-4, automne-hiver 1987, p. 464-481; repris dans le présent volume sous le titre «L’inconnu à la porte», p. 357-358.  

  61. Voir par exemple Leslie Jones, «Art Lesson: A Narrative Chronology of John Baldessari’s Life and Work», in Jessica Morgan et Leslie Jones (dir.), John Baldessari—Pure Beauty, Los Angeles—New York, Los Angeles County Museum of Art—DelMonico—Prestel, 2009, p.49.  

  62. Ludwig Wittgenstein, Recherches philosophiques (1953), trad. Françoise Dastur, Maurice Élie, Jean-Luc Gautero (et al.), Paris, Gallimard, 2004, p.50-51.  

  63. David Antin, «Wittgenstein parmi les poètes», art. cit., p.431-465.  

  64. Ludwig Wittgenstein, Remarques mêlées, dir. G. H. von Wright, trad. Gérard Granel, Mauvezin, Trans-Europ-Repress, 1990, p.38.  

  65. Cf. Marjorie Perloff, Wittgenstein’s Ladder. Poetic Language and the Strangeness of the Ordinary, Chicago—Londres, The University of Chicago Press, 1996, p.16.  

  66. Voir, entre autres, Joseph Kosuth, «Art after Philosophy», Studio International, vol. 178, №915-916-917, octobre-novembre-décembre 1969, p.134-137, 160-161, 212-213 et Henry Flint, «Concept Art», in La Monte Young et Jackson Mac Low (dir.), An Anthology of Chance Operations, New York, 1963, n.p. Pour une traduction française, voir Gauthier Herrmann, Fabrice Reymond et Fabien Vallos (dir.), Art conceptuel, une entologie, Paris, Éditions Mix., 2008, p.423-438 et p.417-420.  

  67. David Antin, «L’inconnu à la porte», art. cit., p.357.  

  68. David Antin, «Wittgenstein parmi les poètes», art. cit., p.452-453.  

  69. John Cage, «Composition comme processus. II. Indétermination», in Silence, trad. Vincent Barras, Genève, Éditions Contrechamps—Héros-Limite, 2012, p.39-46.  

  70. Marjorie Perloff, op. cit., p.51.  

  71. Charles Bernstein, «Artifice of Absorption», in A Poetics, Cambridge— Londres, Harvard University Press, 1992, p.36.  

  72. Ce même titre sera par ailleurs utilisé pour un article non repris dans le présent volume et publié la même année dans lequel l'auteur revient sur les questions que posent l'utilisation dans un ensemble de textes critiques du champ lexical biographique à propos des Black Paintings de Mark Rothko. Cf. David Antin, «Biography», Representations, №16, automne 1986, p.42-49. 

Published on <o> future <o>, May 21, 2017.

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[CC BY-ND 4.0](http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/)

Ce texte constitue la postface aux Essais choisis sur l'art et la littérature, 1966-2005 publié par <o> future <o> en juin 2017.