Le magicien sur scène fit tomber son gant. Pourtant il avait encore un gant dans chaque main. Le performer âgé tourna doucement et, comme par accident, le gant de sa main gauche voleta doucement sur le sol—bien qu’il tienne toujours un gant dans chaque main. Il regarde les gants comme s’il se demandait où les déposer, puis les déposa sur la table à la vue de tous, mais l’instant suivant, deux nouveaux gants apparaissent dans ses mains. Il les dépose immédiatement sur la table au-dessus de la première paire et agitent ses mains vides de manière à ce que tout le monde puisse voir par un geste qui indiquerait qu’il en a fini avec les gants, alors qu’à cet instant deux nouveaux gants apparaissent dans ses mains. Il prend les deux gants dans sa main droite et les place sur le dos d’une chaise vide, et regardez! Les voilà! Et sa main droite est vide, mais deux nouveaux gants sont apparus dans sa main gauche. Il prend les gants dans sa main droite et les jettent dans le public. Dans sa main tendue après avoir jeter les gants, deux nouveaux gants apparaissent. Il les jette aussi dans le public, alors qu’une nouvelle paire de gants apparaît dans sa main. Il met le gant droit—et invite une jeune membre du public à toucher un de ses doigts tout en écartant les doigts de sa main droite. La fille touche le petit doigt. Sans enlever les autres doigts ou le pouce du gant, il enlève son petit doigt, de manière à ce que le petit doigt du gant pende mollement. Il prend une paire de ciseaux et coupe le petit doigt du gant. Il pousse maintenant son petit doigt à travers le trou de manière à ce que tout le monde puisse le voir. Il commence ensuite à ramasser tous les gants et ce faisant, il montre au public que chaque gant avait seulement un pouce et trois doigts, chaque gant avait eu le petit doigt coupé.
On pouvait entendre les membres du public murmurer pendant qu’ils examinaient les gants qu’il leur avait jetés, bien qu’une personne ait protesté à haute voix que lorsqu’il avait attrapé le gant, il l’avait examiné et il était entier.
Le magicien regagna le centre de la scène, et conclu par ces mots: «Pendant la Première Guerre mondiale, j’ai servi outremer comme beaucoup d’hommes de mon âge l’ont fait et j’ai vu quelques batailles. Lors d’une d’entre elles je fus blessé, et d’abord j’ai pensé que c’était une calamité d’être laissé avec une difformité que je pensais être grotesque et évidente pour tous ceux que je rencontrais, une difformité qui était particulièrement repoussante et tragique pour un homme de ma profession puisque j’étais déjà un maître des tours de cartes, bien que je n’avais pas commencé à me produire professionnellement. J’ai ensuite fait la découverte qui me semble aujourd’hui encore vraiment magique—une découverte que je dois partager avec vous ce soir, et si l'un d’entre vous est un jour affecté par un défaut ou une soudaine difformité, je vous recommande de vous souvenir du message de ma performance ce soir—ce message est: lorsque vous travaillez avec des gens ils ne voient pas vraiment vos difformités.
«Si vous aviez pu me dire lorsque j’avais la vingtaine que ma difformité allait devenir invisible, je me serai moqué d’un cynisme amère, en effet j’aurai trouvé ça incroyable qu’un jour je puisse afficher avec une certaine fierté—comme si je réalisais un tour de magie—le fait qu’il y a longtemps sur un champ de bataille en France j’ai perdu le petit doigt de ma main gauche!»
Il brandit sa main gauche et la tint stable de manière à que tous puissent voir. Ce qu’il disait était vrai.
Puis, ainsi que le font ces vieux comédiens, avec la main gauche il les salua d’un gracieux, «Bonne soirée!»
Published on <o> future <o>, June 7, 2014.
- Translation
- Camille Pageard
- License
- © 1976 Spencer Holst
Traduction par Camille Pageard de «Real Magic» de Spence Holst, texte publié dans Stories, New York, Horizon Press, 1976, pages 35 à 36.